Que fait ce magnifique trois-mâts de 47 m de long amarré quai d’Alger ? Le pont grouille de jeunes qui poncent, peignent, déplacent des caisses et s’interpellent joyeusement. Nous nous se rapprochons du Kraken et commençons à poser quelques questions : par chance, elle est accueillie par Julie Baudillon. Elle se présente comme la Déléguée Générale de Wings of the Ocean*, l’association qui œuvre à bord.

Entretien

Pouvez-vous m’expliquer ce qu’est cette association ?

L’Association a pour mère spirituelle Sea Shepherd. Elle est née en 2018 à l’initiative de Julien Wosnitza, qui avec son livre Pourquoi tout doit s’effondrer abordait la question des crises actuelles sous l’angle de la collapsologie. Julien voulait œuvrer contre la pollution des mers, il a acheté le Kraken, et il s’est associé au capitaine Sébastien Fau. C’est comme cela que l’aventure a commencé.

Le Kraken à Sète

Dépollution des océans ? Avec un trois-mâts ?

Oui, en fait ça c’était le projet initial. Les tests avec un chalut ont été peu probants en réalité. Nous nous sommes progressivement tournés vers la sauvegarde des côtes : ramasser les déchets sur les plages, sensibiliser la population …

Oui mais alors pourquoi le Kraken, ce trois-mâts construit en 1974 ?

Le bateau nous permet d’accueillir des activités pédagogiques ou de sensibilisation, de stocker les déchets que nous ramassons, d’accéder à des endroits difficilement accessibles par la terre et d’héberger les bénévoles.

Justement, qui sont-ils tous ces jeunes que je vois en train de travailler sur le pont ?

Nous sommes 4 salariés, pour le reste ce ne sont que des bénévoles, une vingtaine. Il faut dire que les choses ont été rendues possibles grâce à Julien encore une fois. Il est parvenu à faire modifier la loi. Maintenant les marins peuvent valider leur temps de mer même sur un bateau associatif comme le nôtre. Cela nous permet d’avoir un équipage fixe, et c’est une espèce de petite vie communautaire qui est en train de se créer ici.

Le Kraken : ramassage des déchets à Sète

Et donc que faites-vous à Sète ?

Nous cherchions un port d’attache pour finir les travaux que nous avions commencé à Savona, en Italie. Nous avons été très bien accueillis ici. Donc on finit de préparer le bateau au départ, d’améliorer son confort, mais on ne fait pas que cela. A Sète, nous effectuons deux dépollutions par semaine, en lien avec des associations locales comme Les Gardiens de Thau ou Seta mer. Nous sommes aussi en contact avec le collectif Objectif Zéro Déchet Sète.

Vous partez donc bientôt ?

Oui, début février, nous mettons le cap sur l’Atlantique. Madère, les Canaris, les Açores, la Méditerranée en juin. Un gros travail nous attend. En attendant, nous menons aussi toute une réflexion sur la réduction des déchets à bord, et nous peaufinons la question du budget.

Réduction des déchets : c’est-à-dire ?

Nous avons toute une démarche pour réduire nos contenants. Nous fabriquons aussi nos produits cosmétiques et ménagers. On aura bientôt un référent “Zéro déchet” à bord. Nous sommes en train d’examiner la possibilité de fabriquer un broyeur pour le plastique que nous récoltons sur les plages.

Justement, que deviennent tous ces déchets que vous récoltez ?

Notre bateau est conçu pour le stockage des déchets que nous ramenons de nos actions. Nous faisons partie d’un réseau de caractérisation des déchets. Pour le plastique, nous sommes partenaires de Reseaclons, spécialiste du recyclage des déchets marins, basé au Grau du Roi. Pour les mégots, c’est Recyclop, de Marseille qui les récupère. Actuellement, on est dans une démarche de recherche de valorisation du polystyrène.

Vous parliez du budget : comment financez-vous ce magnifique projet ?

Pas avec le financement public à ce jour. Mais on espère … Non, c’est grâce au partenariat avec des entreprises, aux donations de privés que nous avons bouclé le budget. Il faut dire aussi que le footballeur Adrien Rabiot, qui est à la Juventus de Turin, est notre parrain. Ça aide !

Vous quittez donc Sète ?

Non ! Au contraire. Nous rêverions d’en faire notre port d’attache. Nous y avons des partenariats, des projets. Escale à Sète nous avait invités pour l’édition 2020, nous comptons en être pour la prochaine édition. Et puis comme je le disais, nous avons été très bien accueillis par la ville et par le port. Quand nous larguerons les amarres en janvier, ce ne sera qu’un au revoir aux Sétois.

Pour en savoir plus et pour soutenir le projet

Julie du Kraken à Sète

Entretien et rédaction : Sandra, pour Objectif zéro déchet Sète.

* En français : les ailes de l’océan